Knokke : Une qualité de vie qui se paie

Knokke : Une qualité de vie qui se paie

Station balnéaire très prisée, Knokke est aussi un ovni dans le marché immobilier belge. Ses prix moyens sont en effet largement supérieurs aux communes bruxelloises les plus prisées,

Un environnement « bien entretenu », où « les résidents se déplacent souvent en voiturette de golf le long d’une rue bordée de magasins Prada et Chanel ». C’est en ces mots que le Financial Times dépeignait Knokke il y a quelques années dans un article listant « les enclaves magnifiques et discrètes où se rassemblent les super-riches ». L’image est certes un peu réductrice, mais elle contient une part de vrai : Knokke est et a toujours été une station balnéaire qui s’adresse aux plus privilégiés. Il n’y a pas que son golf et ses enseignes luxueuses qui en témoignent, mais également son parc immobilier dont les prix pointent largement au-dessus des statistiques belges et flamandes. En 2016, selon les chiffres du SPF Economie, le prix moyen des appartements dépassait les 496.000 euros, soit un budget qui surpasse largement les autres communes du pays et représente le double des tarifs moyens des autres communes côtières – pourtant elles aussi sujettes à des prix immobiliers relativement élevés. La situation est encore plus frappante au niveau des villas, avec une moyenne qui dépasse les 1.200.000 euros en 2016 et n’est égalée en Belgique que par Uccle. Le reste de la Côte belge, quant à lui, affiche des prix moyens environ trois fois inférieurs, à l’exception de La Panne et Nieuport où les tarifs moyens des villas tournent plutôt autour des 500.000 euros. Mais comment expliquer que cette commune d’à peine plus de 2000 hectares concentre à elle seule un marché immobilier si prisé ?

La réponse tient à de multiples facteurs, notamment historiques, mais les acteurs locaux s’accordent à la résumer en quelques mots : la qualité de vie. « Knokke est aujourd’hui un mix intelligent et équilibré entre nature, plage, gastronomie et magasins », raconte Alex Dewulf, gérant de l’agence de courtage immobilier Alex Dewulf – Wonen in Knokke. « La station a toujours été un coin privilégié grâce à une vision à long terme de son développement. La même tendance politique est en effet au pouvoir depuis plusieurs décennies et cela a permis une continuité au niveau la gestion de la commune et de son évolution. »

Impossible d’évoquer l’histoire et le développement de la station sans mentionner le nom des Lippens, qui sont à l’origine de nombreux emblèmes tels que le Zwin ou encore les clubs de tennis et de golf. Propriétaire du Zoute à l’époque, elle a aussi et surtout dirigé l’urbanisation de la zone dès le début du XXe siècle via la Compagnie Het Zoute, encore présente aujourd’hui dans l’immobilier local et belge. Le cahier des charges de l’époque était de maintenir un certain niveau de qualité des constructions tout en garantissant une « unité dans la diversité » architecturale. Aujourd’hui encore, l’esprit anglo-normand est très présent dans le parc immobilier de la commune, dont Léopold Lippens est le Bourgmestre depuis plusieurs décennies.

Ayant dès le début axé sa station sur la qualité de vie, Knokke a acquis une réputation, un statut au fil du temps.  « Il y a toute une tradition qui fait de la station un berceau des vacances en famille et de la tranquillité », confirme Grégory De Bisscop, agent immobilier chez Immo BiS. « Beaucoup de gens y possèdent une seconde résidence, notamment parce que la ville est proche de Bruxelles et d’Anvers. »

Knokke n’est toutefois pas qu’un lieu de villégiature et a même tendance à attirer de plus en plus de résidents permanents. « Avec les attentats et autres événements qui ont touché la Belgique et l’étranger ces derniers mois, les gens aiment de plus en plus se retrouver dans un endroit calme et sécuritaire comme Knokke et les autorités communales oeuvrent d’ailleurs pour garantir cette sécurité », constate Grégory De Bisscop. « De plus, avec le télétravail, il n’est plus forcément nécessaire de se rendre au bureau tous les jours. Les personnes qui parviennent à combiner leur vie professionnelle avec une vie de famille à la Côte viennent donc de plus en plus s’installer à Knokke. » La ville a désormais tout ce qu’il faut pour les accueillir : des commerces, des écoles et bientôt le nouvel hôpital AZ Zeno, à l’architecture audacieuse. Les prix de l’immobilier restent cependant prohibitifs pour une bonne partie des acquéreurs, même si la commune compte des zones aux tarifs immobiliers plus abordables. Il s’agit principalement de Knokke-Heist et des environs de la gare ou, comme le résume Alex Dewulf, « des endroits éloignés du Zoute et de la mer ». Ces biens un peu moins prisés restent cependant plus onéreux que dans le reste de la région, c’est pourquoi certains habitants de Knokke s’exilent faute de pouvoir y acheter un bien immobilier. « Plusieurs jeunes couples se tournent vers les communes voisines comme Moerkerke ou encore Sluys aux Pays-Bas, car les tarifs y sont plus raisonnables », observe Alex Dewulf. « Toutefois, l’influence de Knokke déborde peu à peu en dehors de ses frontières et les prix commencent à grimper dans ses alentours. »

 

A Knokke même, les tarifs de l’immobilier ont fortement augmenté jusqu’en 2006-2007, puis se sont plus ou moins stabilisés depuis la crise de la fin des années 2000. Grégory de Bisscop constate que la conjoncture économique favorable a relancé les investissements et les rénovations dans la commune, qui sont plus fréquents qu’il y a deux ou trois ans. « Depuis une bonne année, les villas au cœur du Zoute et près du golf ont même assez bien repris car les intérêts sont bas, la confiance dans le marché reprend et les gens investissent leurs gains boursiers dans l’immobilier », note l’agent.

Si la situation économique n’a que peu affecté les prix de l’immobilier, Alex Dewulf estime quant à lui qu’elle a eu un impact sur le nombre de transactions. « Le marché a commencé à bien reprendre à partir de 2013 mais il reste encore aujourd’hui un peu moins rempli qu’au début des années 2000. » Knokke n’a toutefois pas à se plaindre puisqu’en 2016, elle figurait à la deuxième place du classement belge en termes de volume de ventes de biens immobiliers existants. Ses chiffres atteignaient les 496,5 millions d’euros, ce qui la place derrière Anvers (969 millions) mais devant Bruxelles (317,6 millions). Lorsqu’on parcourt les rues du centre et la digue, les affiches immobilières pullulent, preuves non seulement de ce marché bien fourni, mais également d’un grand nombre d’agents immobiliers présents sur la commune. « Knokke est un gros marché, ce qui explique ce nombre important d’agents », souligne Grégory de Bisscop. « Il y a différents secteurs à exploiter au sein de la ville donc il y a de la place pour tout le monde, même si cette forte présence crée évidemment un peu de rivalité. Je pense toutefois que cette concurrence est saine pour le marché et profite aux acheteurs. Avec internet, ces derniers sont d’ailleurs mieux informés qu’autrefois et achètent moins sur des coups de tête ou de cœur. Ces acquisitions plus sérieuses évitent la création de bulles et rendent le marché plus équilibré. »

 

Même si les prix restent élevés, il n’est plus question d’exubérances comme cela a pu exister par le passé. Les biens qui restent sur le marché sont d’ailleurs le plus souvent ceux dont le tarif est surévalué et ne correspond pas aux prestations. Philippe De Meestere, directeur général de la Compagnie Het Zoute, remarque ainsi que la clientèle des projets qu’il promeut est de plus en plus exigeante. « Alors qu’avant on tolérait d’entendre les bruits de pas de l’appartement supérieur, aujourd’hui les clients réclament une parfaite isolation acoustique. Les superficies, qui avaient tendance à être plus petites auparavant, sont désormais plus généreuses car les acheteurs souhaitent de l’espace. Enfin, ils cherchent aussi de la qualité et des biens complètement finis, qui sont livrés clés en mains. » Lorsque les exigences sont remplies, les acheteurs passent à l’acte mais la clientèle la plus fortunée ne se contente pas simplement de la qualité et cherche de l’extraordinaire, chose pour laquelle elle est prête à débourser plusieurs millions d’euros. Quelques promoteurs développent ainsi à Knokke des projets architecturaux hors du commun comme le One Carlton, une tour prestigieuse de quatorze étages qui remplacera la résidence Carlton en bordure de mer sur Albertplein, ou encore la Rive, une résidence de luxe qui constitue la seconde phase du projet La Réserve sur Elizabetlaan. Les prix de ce dernier projet débutent à un peu moins de 700.000 euros pour un une chambre d’une centaine de mètres carrés et dépassent allègrement le million d’euros pour les appartements les plus hauts de gamme. Un quart des 88 unités disponibles a été vendu sur plans en à peine trois mois, et ce alors que dans le reste du pays, les achats ont tendance à se déclencher plus tard dans l’évolution du projet. « La Rive est un concept unique, situé à quelques centaines de mètres de la mer, au bord d’un lac et entouré d’espaces verts », explique Philippe De Meestere, dont la Compagnie Het Zoute développe le projet.  « Pour nous promoteurs, les prix de l’immobilier à Knokke sont à la fois un avantage et un inconvénient car même si nous pouvons vendre les produits finis à des tarifs assez élevés, les terrains coûtent cher à l’achat et, un peu comme partout ailleurs, les projets mettent du temps à se développer à cause des nombreux recours des riverains. »

Malgré ces quelques freins, les projets neufs continuent de pousser à Knokke et victime de son succès, la ville possède de moins en moins de terrains à bâtir. De ce fait, on détruit ou rénove de plus en plus d’anciens bâtiments sur la digue pour y ajouter des étages supplémentaires. D’autres projets s’installent plus à l’écart de la ville, à l’instar du Duinenwater qui va constituer un véritable nouveau quartier près de la gare avec divers types d’habitations et des services. Alex Dewulf estime ainsi que d’ici vingt à trente ans, avec le nouveau tronçon de la A11 menant à la ville, Knokke va continuer de s’étendre et les espaces verts qui la séparent encore de Westkappelle et des alentours seront complètement occupés.

En ce qui concerne la santé du marché, l’avenir est plus incertain car soumis à des facteurs extérieurs. La stabilité actuelle ne devrait toutefois pas laisser place à de grosses évolutions – dans un sens comme dans l’autre – à moins que des éléments comme la fiscalité ou le contexte économique changent fortement.